par lepassant Jeu 13 Nov 2014 - 14:39
J'ai découvert le go à l'aveuglette. Je m'explique.Depuis tout petit, j'adore les énigmes, casse-tête et autres jeux de logique (mais si, vous savez, avec les allumettes! Rhaaa quel bonheur c'était). J'aimais aussi beaucoup les dames, mais je leur trouvais un côté... rigide qui m'empêchait de vraiment m'y investir. Et puis, j'ai découvert Othello. Gros coup de foudre pour ce jeu, même si à part les membres de ma famille, personne ne jouait avec moi. Du coup, je tannais mes père, mère, frère et soeur pour jouer. C'était le bon temps.
A l'adolescence, j'ai surmonté ma timidité et me suis essayé aux échecs... 10 minutes. Aucune attirance pour ce jeu, et grosse déception: comme les échecs m'avaient toujours été présenté comme LE jeu par excellence, je tombais de haut. Je crois maintenant que ce jour-là, je n'ai perçu des échecs que l'aspect "mémorisation de séquences", qui m'a rebuté (je suis le champion de l'étourderie).
Du coup, je me suis estimé arrivé, et me suis contenté de jeux de sociétés et de plateau.
Et puis un jour, dans une librairie d'occasion, j'ai trouvé un livre à la couverture illustrée quoique repoussante. En bon amateur de BD, un dessin si mauvais soit-il attire toujours mon attention. Alors j'ai ouvert, on ne peut plus neutre, L'ABC du go de Hervé Dicky.
Ce ne fut pas un choc. Ce ne fut pas une révélation. Ce ne fut pas un coup de foudre. Aujourd'hui encore, je ne sais pas ce qui s'est passé ce jour-là. Tout ce que je sais, c'est que je sortis de la librairie avec ce livre à la main. C'est comme ça que j'ai découvert les règles du go, ainsi que le style lourdingue de Dicky. Mais le jeu semblait assez intéressant, même à travers la balourdise de cet auteur, donc je fis fi (et Loulou). Je me souviens avoir passé beaucoup de soirées sur ce livre, que j'ai soigneusement lu du début à la fin. Avec le recul, je ne peux que déconseiller de s'initier au go de la sorte: une méthode exacte mais austère et fastidieuse (franchement, qui s'embête à appeler un groupe "une chaîne"?); pas de goban ni de pierres; pas de partenaire de jeu; personne à qui en parler. Car oui, ma famille, qui m'avait passé ma lubie d'Othello, ne m'a pas suivi sur ce coup. En somme, le go, je l'ai découvert tout seul dans ma tête. Dès le premier diagramme, il m'a fallu me représenter mentalement le goban d'abord, puis chacun des coups, et essayer d'appréhender par moi-même la logique des enchaînements. Je passe rapidement sur cet apprentissage, expérience intimement personnel par excellence et donc difficilement communicable. Je m'en souviens comme d'un temps d'une stimulation rare (on parle de go, là! Je ne sais pas ce qu'il vous faut de plus!) et d'abattement profond (il m'est très vite apparu qu'y jouer me serait impossible).
Et puis un jour, j'ai estimé avoir fait le tour de ce livre, je l'ai rangé sur ma table de chevet et je ne l'ai plus ouvert.
Et je n'ai plus fait de go. Et j'ai regretté de ne pas être né en Asie (Chine ou Japon? Mon coeur balançait déjà).
Et j'ai lu Le Joueur d'échecs de Zweig, et cette histoire m'a beaucoup parlé.
Et Hikaru no go a frappé la France. Moi, j'étais tout content de pouvoir me vanter de déjà connaître ce jeu, de me faire valoir à peu de frais, de plastronner comme un paon: je suis l'homme des petits plaisirs de l'existence: humilier mon prochain et l'écraser de toute ma suffisance. Et comme j'étais à Paris à ce moment-là, je surmontais derechef ma timidité, et poussais la porte d'un club de go... En deux mots, mauvais pédagogue. Ecoeurement, le go ce n'est pas pour moi, je suis trop vieux pour ces conneries( qu'est-ce qu'on est vieux à 20 ans. Heureusement, plus jamais après), j'arrête. Mais comme je nous connais, mon mauvais caractère et moi, je me résolus à retenter l'expérience, quelques mois plus tard quand même. Deuxième club, deuxième déconvenue, même conclusion.
Le go a beaucoup perdu de mon estime à Paris. Je me suis consolé comme j'ai pu (et en dénigrant mes contemporains, ça marche toujours.) et je suis passé à autre chose.
Et puis je me suis connecté, longtemps après, à ce KGS dont on me parlait dans l'appendice d'Hikaru no go.
Et je pourrais continuer, mais en fait le coup de foudre n'est jamais survenu. J'ai fini par le comprendre, quelque part dans ce parcours, le go est devenu une partie de mon existence. Je n'ai jamais pu savoir quand exactement, ni comment, c'est tout. C'est pourquoi je ne pourrais pas vous dire comment j'ai découvert le go. Pour ce que j'en sais, ce pourrait tout aussi bien être le go qui m'a découvert.
Dernière édition par lepassant le Jeu 13 Nov 2014 - 17:50, édité 1 fois