En fait, à la lecture de vos commentaires, je m'aperçois qu'il faut en fait distinguer deux états dans cet "effet de saturation" (peut-être plus mais pour le moment, je n'en vois que deux
) :
1°
La frustration consciente due à son incapacité présente à atteindre son objectif : en ce sens, on retrouve tous les éléments des théories de l'apprentissage déjà cités par plusieurs d'entre vous, avec :
- la nécessaire période d'incubation et d'assimilation des informations acquises ;
- les étapes naturelles de cette acquisition (avec la sensation que l'on joue mal sans trop savoir pourquoi, le sentiment que les coups joués ne sont pas en adéquation avec ce que l'on s'imagine, grâce à notre travail personnel, comme étant les bons coups dans telle ou telle situation,...) ;
- et enfin ce que l'on considère comme un "déclic" lors du renforcement de l'acquisition de ces informations pour en acquérir de nouvelles (en ce sens, changer de jeu, d'activités pendant ces périodes transitoires permet la réorganisation du trop plein d'informations pour repartir sur un socle de connaissance solide) ;
2°
Le trop plein émotionnel en raison de l'attachement à un objectif déraisonnable : en se penchant sur certaines des causes du "burnout", les psychologues et psychiatres ont mis en évidence un phénomène vieux comme l'humanité, mais non formalisé alors, qui est celui de la dépression passagère lorsque l'objet de son attachement émotionnel ne répond pas (pour de multiples facteurs) comme on souhaiterait qu'il le fasse (en l'occurrence, une meilleure progression au jeu de go, une meilleure lecture, un manque de temps,...). Selon la définition de Freudenberger (ayant mis au jour cet état) et Richelson, le « burnout » est : « Un état de fatigue chronique, de dépression et de frustration apporté par la dévotion à une cause, un mode de vie, ou une relation, qui échoue à produire les récompenses attendues et conduit en fin de compte à diminuer l’implication et l’accomplissement du travail. »
A la lecture des commentaires, on voit bien comment l'état émotionnel se déporte du "mon action de jeu est mauvaise" en raison de telle ou telle lacune technique identifiable (constat objectif) à une dévalorisation de soi ("je suis nulle", "les autres sont meilleurs que moi", "je ne comprendrai jamais", "ce n'est pas fait pour moi", etc.) (constat subjectif). D’ailleurs, c’est amusant Kingwithou mais tu nous as décrit presque tous les symptômes de ce trouble psycho-social : fatigue, déficit de concentration, manque de motivation, insomnie et irritabilité (Strike !!!
).
Ces étapes du "burnout" furent d'ailleurs évaluées au départ dans les professions où l'engagement personnel (tant intellectuel que psychique) était le plus fort (médecins, travailleurs sociaux, avocats...) avant d'être généralisé à toutes les autres professions. Dans ces cas, plusieurs facteurs pouvaient induire un tel état : un trop fort attachement émotionnel à l'objet de son affection/de son travail (le jeu prend toute la place, le sentiment d'addiction,...), la recherche constante d'un objectif déraisonnable, à savoir impossible à atteindre au regard des moyens/compétences disponibles, ("pourquoi je ne joue pas comme un joueur Dan avec toute les parties et livres que je me suis envoyé ?"), tellement difficile à atteindre que l’on en oublie l’objectif initial : se divertir et progresser pour y trouver du plaisir (en cela, relire Hikaru no Go – comme Titi -, s’intéresser à la culture autour du go – comme Kingwithou ou moi-même, retrouver un certain niveau d’abstraction par rapport au jeu – « redécouvrir le Go », comme le dit Akalamiam -, méditer pour se recentrer sur les raisons pour lesquelles on joue au Go – comme ThérapieGo -, etc. sont de bons éléments pour se repositionner par rapport à un objectif directement atteignable – et là aussi, jouer sur un vrai goban, de par son caractère matériel, pousse à une appréhension plus distanciée du jeu et donc plus « froide »).
En bref, l’effet de saturation ne se combattrait jamais mieux que par un plus grand détachement émotionnel (quel qu’en soit la méthode). Nous pourrions appeler ça le « paradoxe du joueur de go » : atteindre un état de passionné dépassionné…
« Celui qui est le maître de lui-même est plus grand que celui qui est le maître du monde » (Bouddha)