Littérature | Général
Hoshizora No Karasu
Par Satoshi Morie
Les Manga se suivent et ne se ressemblent pas et voici que nous arrive tout fraichement du pays du soleil levant une nouvelle bande dessinée afin de prendre la relève du monstre sacré que l'on ne présente plus à tout joueur de go de la planète, je veux bien sûr parler de "Hikaru no Go". Qu'en est-il de ce nouveau cru à destination, non exclusive bien sûr, du public féminin ?
N&B l 420 ¥ l Japonais
Titre original Hoshizora No Karasu (星空のカラス)
Auteur Satoshi MORIE
Editeur Hakusensha (éditeur Japonais)
Année 24 février 2013 (premier tome relié)
Tome 1 (en cours de publication)
Où en lire de extraits ? Au Japon
Le trouver http://www.amazon.co.jp/exec/obidos/ASIN/4592196813/bookmeter_detail-22/ref=nosim
Histoire : Karasuma Waka est une jeune fille de 13 ans passionnée par le jeu de go. Petite-fille d’un joueur professionnel, elle a appris le jeu auprès de lui au cours de sa petite enfance mais n’a pas pu poursuivre son rêve de joueuse car sa mère voit d’un mauvais œil cette passion. Et pour cause puisqu’elle vit son père abandonner sa femme mourante pour aller participer à une partie de Go. Karasuma Waka est bien consciente de la dureté d’un tel comportement mais en éprouve moins du dégout qu’une véritable fascination la poussant à poursuivre son parcours de bonne joueuse : qu’est-ce qui est si important dans ce jeu pour que son grand-père aimant en soit venu à laisser sa femme mourir ainsi ?
Elle rencontre alors Sagisaka Sôji, joueur professionnel de 17 ans, qui lui fera, bien malgré lui, entrevoir une bribe de réponse à cette interrogation. Impressionnée par ce joueur et bien plus encore par la profondeur du jeu de go, elle décide de devenir elle-même joueuse professionnelle contre l’avis de sa mère à qui elle propose un pari : si elle remporte le prochain tournoi, sa mère devra l’autoriser à poursuivre son parcours de joueuse professionnelle ; si elle perd, elle se résoudra à abandonner ce rêve…
Avis de Catlois (10-13k) : Avant que de commencer cette critique, et de prime abord, il nous faut avouer que nos représentations mentales, quand on lit un nouveau manga sur le go, sont nécessairement polluées par l’existence de la référence absolue en la matière, « Hikaru no Go », donc, autant ne pas faire « comme si » cela n’était pas le cas et analysons ce manga en gardant à l’esprit ce biais de lecture. Le va-et-vient entre les deux manga sera donc nécessairement présent dans cet écrit.
Au sujet de « Hoshizora no Karasu », il est clair que ce nouveau manga prenant pour sujet le jeu de go ne sera pas une découverte pour nombre d’entre vous qui avez de saines lectures puisque tant l’excellente Revue Française de Go que la non moins exemplaire EurogoTV, sous l’impulsion de Motoki sensei, en ont déjà parlé il y a cinq mois de cela.
Néanmoins, après avoir pu lire le premier chapitre, il est désormais possible de se faire un petit avis, et malheureusement, je me dois de reconnaître qu’il ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Rassurez-vous, cependant, cette opinion n’est pas complètement tranchée et attendra d’en voir un peu plus pour être étayée. Mais, concernant ce manga, comme dirait notre maître à tous, le grand Pierre Mortez : « Écoutez Thérèse, je n’aime pas dire du mal des gens, mais effectivement elle est gentille » .
Alors, parlons peu, parlons bien avec une première interrogation : pourquoi, grands dieux, faut-il que les shojô manga donnent toujours cette impression graphique d’avoir été systématiquement passés à la machine à laver avant que d’être frottés à la vaseline comme un obscur film érotique des années 70 ??!! Bigre, que ça pique les yeux… les couleurs sont baveuses et suintent une mauvaise utilisation du DAO, le trait est très maladroit, les proportions indigentes et on a « une héroïne qui est maquillée, je ne vous dis pas, c’est une horreur » . Les illustrations sont peu soignées ; le découpage pour le moins erratique ; les représentations de goban et de parties n’ont absolument rien à voir avec la minutie que Takeshi Obata avait réussi à distiller dans Hikaru (à la décharge de Satoshi Morie, lui-même disait que le goban était une véritable torture à dessiner).
Bref, vous l’aurez compris, l’intérêt de ce manga ne reposera pas sur le style graphique de son auteur, ce qui est fâcheux pour une BD, vous en conviendrez (bien que cela puisse évoluer avec le temps, nous l’espérons, car il s’est déjà vu des manga, au style déplorable dans les premiers chapitres, s’améliorant considérablement par la suite : c’est tout le mal que nous souhaitons à cette œuvre – et cela reste envisageable quand on voit la qualité somme toute potable des autres manga de cet auteur).
Alors, devant une telle pauvreté graphique, nous en déduisons que nous allons nous rattraper sur le scénario qui doit donc être le point fort de l’auteur……
Disons le tout net, l’ensemble des clichés véhiculés habituellement dans les shojô manga sont de sortie, la jeune fille battante et naïve qui veut faire sa place dans un monde d’hommes, les personnages masculins au mieux paternalistes sinon carrément misogynes mais qu’on aime quand même car « qu’est-ce qu’ils sont forts » et « comme ils comprennent tout mieux que les filles » , le beau gosse agaçant, androgyne et ténébreux ne trouvant rien de mieux à dire pour sa première réplique que « quel est ton signe astrologique ? »… et quand on sait que le beau gosse agaçant en question est 7-dan, concourt en finale du titre de Meijin, et se balade nonchalamment dans un petit club amateur comme si de rien n’était, on ne peut s’empêcher d’étouffer un violent fou rire pour ne pas en détruire la porte du salon de dépit (rappelons que le record absolu de précocité à ce niveau reste attribué à Iyama Yuta en 2008, âgé alors de 19 ans).
Allez, soyons « fair-play » et admettons que nous avons affaire à un pur génie du Go et que l’on ne cherche pas le réalisme dans un manga (sinon, autant renvoyer manu militari Sai dans son goban). Quid du reste donc ?
Le manga part d’une idée de base qui est loin d’être mauvaise, même plutôt bonne. A la différence de Hikaru no Go, nous suivons une joueuse déjà confirmée, extrêmement motivée par un motif personnel assez intéressant (la quête de la vérité sur le comportement de son grand-père et sur le comportement des joueurs en général) et très travailleuse (on voit bien plus les efforts nécessaires pour progresser que dans Hikaru). De même, l’angle d’attaque des parties de Go est différent : l’objectif de l’auteur parait moins technique que Hikaru mais plus porté sur la psychologie, le ressenti et la réflexion des joueurs in-game, ce qui, là encore, est une assez bonne idée. Mais qu’est-ce que c’est brouillon dans l’écriture ! Les dialogues sont creux, les moments censées être humoristiques tombent à plat quasi systématiquement (c’est plutôt lourdingue d’ailleurs), l’usage de flashback est très mal maîtrisé et la progression de l’histoire manque particulièrement de logique, ce qui entraine une superficialité dérangeante des personnages principaux. Dès lors, sur ce plan là également, on n’y trouve pas son compte. Après, la passion pour le jeu fait que l’on pourra quand même le lire sans hurler… d’autant que Iyama Yuta participe même un peu à sa promotion comme en témoigne cette image (l’a-t-il lu ? mystère…)
Pour conclure, en terme de shojô manga, je resterai donc plutôt lecteur d’œuvres telles que Fushigi Yugi ou encore Kings of Shogi qui évitent avec grâce ces écueils grossiers. Cependant – voyons tout de même la lumière au bout du tunnel – le scénario me laisserait à penser que ce manga a suffisamment de potentiel pour une très grande amélioration dans les chapitres suivants… mais on peut dire qu’il y a pas mal de boulot à abattre pour que l’on atteigne un niveau ne serait-ce qu’acceptable. A suivre donc mais peut-être pas trop longtemps…
L'auteur : Satoshi Morie, sœur jumelle de TAKAGI Shigeyoshi (autre auteur de shojô manga), est une mangaka ayant débuté sa carrière par la publication de Gakkou Hotel en 2007. (blog de l’auteur : http://morinote.jugem.jp/)
Bibliographie :
- Gakkou Hotel (2007)
- Kowa Iro Henge (2007)
- Hakuji (2008)
- Love Sick (2008)
- Hanazakari no Kimitachi e : Tribute (2009)
- Shoujo Guard (2009)
- Neko no Machi no Ko (2011)
- Spoiler:
Références :- http://morinote.jugem.jp/
- http://jeudego-rfg.blogspot.fr/2012/10/corbeau-dans-un-ciel-etoile.html
- http://eurogotv.com/index.php?menu=Forum&forumcatagorie=News&forumonderwerp=Newsarticles&forumtitel=%22Crow%20in%20a%20starry%20sky%22&forumantwoord=1350035845
- http://www.usgo.org/news/2013/04/new-go-manga-fansubbed/
- http://morinote.jugem.jp/
PS : Étant plus que dubitatif sur ce manga, je serai ravi qu'un de nos membres publie peut-être une contre-critique pour équilibrer les opinions