par Catlois Lun 15 Oct 2012 - 2:45
« Dites-moi mon bon Catlois…
- Oui Sire.
- Ne trouvez-vous point que nos rivages sont les plus beaux de toutes les terres connues ? Voyez-vous… j’aime particulièrement à me rendre sur ce contrefort pour observer les vagues se briser sur les récifs noirs de jais de notre beau pays et contempler alors la clarté solaire en réverbération sur l’écume marine faisant miroiter des perles de sel. J’y trouve actuellement un apaisement fort délectable à mon âme, et ce pour un motif qui m’est encore étranger. Mais je ne puis vous retenir plus longtemps : vous n’avez point de temps à accorder à un pauvre homme qui divague en regardant l’horizon…
- Non, Sire, bien sûr que non… l’étalage verbal de votre « pauvreté » devrait suffire pour m’aller faire quérir sur le champ notre meilleur guérisseur… si n’était la belle harmonie de vos propos. Savez-vous, Sire, que le paysage et la beauté du décor que vous me contez existent également au sein même de nos terres, et qu’il n’est point besoin de braver les embruns et la dureté de cette longue route cahoteuse pour bénéficier de ces bienfaits ?
- Allons bon, cesse donc tes bouffonneries et ne te moque point d’un seigneur en mal de poésies. D’autant que ce jour déjà bien avancé renvoie à mes narines une odeur de mauvais présage. De nouvelles épreuves viendront, et avec elles, cette fois-ci, je me trouve bien en mal à discerner quelques échappatoires qui soient. Je puis te l’annoncer le cœur serré et la main ferme : il y a comme un goût d’extinction dans l’air.
- Seigneur, vous commencez à m’inquiéter… d’où viennent cette langueur et ce tourment que je sens poindre au travers de vos paroles désenchantées ?
- Je ne saurais dire cher ami, je ne saurais dire. Mais laissons là ces inepties sans objets et dis-moi où tu voulais en venir par ta laconique tirade sur un paysage comparable à ce vaste poème vivant au cœur même de notre royaume. Cela m’intrigue : mentirais-tu à ton Roi ? Feindrais-tu d’ignorer que ma connaissance de ces contrées s’étend du centre aux confins et qu’il n’est point hameau dont je ne connaisse et le dernier nouveau-né et le plus ancien vieillard ? Il n’y a point de recoins méconnus qui soutiennent la comparaison, je puis te l’assurer.
- Bel amiral, conduisez-vos grands chevaux aux écuries les plus proches, mon discours était tout ce qu’il y a de plus amical. « Perles de sel » et « récifs noirs de jais », voilà où je voulais en venir mon Seigneur. Vous souvenez-vous lorsque vous m’aviez raillé, il y a deux mois de cela, alors que vous me surprîmes attablé autour d’un damier avec le philosophe venu du royaume voisin.
- Et puis quoi ?! Je t’entretiens des merveilles incomparables de la nature et de la grandeur éphémère de notre océan, et voilà que tu me renvoies à des futilités juvéniles… Tu n’es point conseiller sérieux mon cher Catlois et je me demande encore pour quelles raisons je t’accueille à ma table.
- Car ces futilités juvéniles vous feront le plus grand bien, Sire, comme elles me permettent de vous divertir l’esprit léger. Et si vous acceptiez tant soit peu de mettre au repos vos sarcasmes, vous sauriez que l’on appelle cela jeu de Go, et que ni vos récifs ni votre écume ne parviendront à égaler la richesse d’une simple partie sérieusement menée.
- Tes mots sont bien rudes mais ta langue paraît sincère… allez, va ! tu as aiguisé ma curiosité. Une fois achevé les troubles de notre pays, tu auras la lourde charge de m’apprendre… »
Qu'est-ce que ce cauchemar éreintant troublant mon sommeil ?
Pourquoi donc cette discussion me vient-elle en mémoire alors que la seconde ronde du tournoi de Go.on prend fin ?
Triste Sire, je n’ai pu encore satisfaire votre appétit insatiable de découvertes…
Où êtes-vous donc à cette heure où je me régale des joutes insensées et inconscientes de nos exigeants manieurs de pierres ? Je ressens encore votre présence et vous sais vivant mais pour combien de temps…
Allons mon pauvre Catlois, ressaisis-toi et méprise la folie comme celle-ci t’a dédaigné à l’époque. Il est temps de poursuivre ta quête de l’arme à même de mettre à mal la Lumière…
Aujourd’hui, j’entends bruire de crépitements électroniques la poule H où les valeureux Carlosss et Kerza viennent à s’affronter à l’heure où la nuit entoure, par son calme et sa douceur de mort, nos vallées de jade pour la teinter de gris reflets. La lutte sera rude car les bretteurs n’ont plus rien à perdre. Cela sent la nouveauté, le dépassement de soi, le joseki inédit et la pierre au Tengen dans les 10 premiers coups. Ou bien verrons-nous la grandeur toute sereine d’un Fuseki au développement sans failles et à la pierre aiguisée comme une lame dont on aurait passé le fil au fusil. Toujours est-il que l’engagement sera à son paroxysme pour bien figurer dans cette partition de « rondo de la muerte »
Kerza – Carlosss 20hYa Ya Ya, les montagnards sont là que diable ! Et avec eux le lancement d’une nouvelle semaine tout ce qu’il y a de plus palpitante.